Une saine utilisation des écrans : agir tôt, agir ensemble

septembre 10, 2025 | Catherine M. Lee

8 mins
Adolescent faisant ses devoirs à un bureau

Les préoccupations relatives au temps passé devant les écrans remontent à plusieurs décennies, lorsque l'on s'inquiétait du fait que les enfants passaient trop de temps devant la télé. À mesure que les téléviseurs s'installaient dans les chambres des enfants et devenaient le centre des repas familiaux, les experts craignaient qu’ils perdent leur capacité à se divertir, à jouer de manière autonome ou à être physiquement actifs.

Les enfants nés en 2025 grandiront dans un environnement saturé d'appareils électroniques. La technologie imprègne presque tous les aspects de notre vie. L'utilisation abusive de la technologie est désormais considérée comme une menace émergente pour le développement sain des enfants canadiens [1].

Après avoir consulté de nombreux experts, parents et jeunes, une commission spéciale du québec a formulé des recommandations intersectorielles de grande envergure pour garantir que les jeunes acquièrent des compétences numériques, tirent parti de la technologie et se développent sainement [2].

En 2025, les parents canadiens utilisent régulièrement la technologie pour surveiller leurs enfants pendant leur sommeil, pour communiquer avec leurs amis, leur famille et leurs collègues, pour travailler à distance, pour faire leurs achats, ainsi que pour faire de l'exercice et se divertir. En tant qu'adultes, nous sommes ravis de découvrir les innovations en matière de recherche d'informations et les tâches que l’on peut accomplir sur les appareils numériques.

D'un autre côté, nous regrettons le temps perdu à faire défiler nos écrans, la perte de nos limites face au flot incessant de notifications, de messages et de publicités, l'augmentation du temps passé en position assise, les troubles du sommeil, l'exposition à des contenus perturbants, la diminution des contacts humains, la frustration liée à la perte de mots de passe et l'angoisse liée à la violation de la vie privée.

Les enfants sont tout aussi attirés par les écrans qui captivent leur attention. La technologie est bien conçue pour maintenir l'intérêt, il est donc facile de prolonger une séance devant un écran, en écoutant une chanson de plus, en visitant un site de plus ou faisant une partie de plus.

Comme les adultes, les enfants sont vulnérables à tous les dangers auxquels ces derniers sont confrontés lorsqu'ils naviguent dans le monde numérique. Il est clair que les enfants ont besoin d’adultes pour les aider à développer leurs capacités de planification, d'autorégulation et de réflexion critique afin de pouvoir gérer seuls les environnements numériques.

Parent and child using a laptop together in the kitchen

Des messages contradictoires

Les parents sont bombardés de messages (parfois contradictoires) sur la manière d'aborder la question du temps passé devant les écrans avec leurs enfants. Les publicitaires vantent les avantages de la sécurité, de la stimulation, de l'apprentissage et du divertissement.

Des influenceurs peuvent également suggérer des moyens d'utiliser le temps passé devant les écrans pour apaiser ou distraire un enfant bouleversé, ou pour récompenser un enfant qui s'est bien comporté.

D'autres sources dans la presse écrite ou sur les réseaux sociaux mettent en garde contre les dangers du temps passé devant les écrans. Les parents peuvent donc souvent se sentir anxieux, impuissants ou incertains quant à la manière de gérer la situation.

Que nous apprend la recherche ?

Des milliers d'études ont examiné les effets du temps passé devant les écrans sur le développement des enfants. Des chercheurs canadiens ont été à l'avant-garde de la synthèse de ces résultats [3, 4].

Les effets de l'exposition aux écrans sur le cerveau en développement sont clairs. Si nous déléguons nos responsabilités parentales à la technologie, nous risquons de compromettre le développement du langage et des compétences sociales de nos enfants.

Les effets du temps passé devant les écrans dépendent du contenu que les enfants regardent et du contexte dans lequel ils le regardent. Lorsqu’ils utilisent les réseaux sociaux, les enfants peuvent être à la fois exposés à des interactions positives avec les autres et à des contenus qui nuisent à leur estime de soi et à leur bien-être.

Si les signaux d'alerte et les signes de danger sont inquiétants, la science nous donne également de l'espoir. De nombreux facteurs déterminant l'utilisation des écrans sont des facteurs parentaux modifiables [5]. De plus, il existe des preuves que de petits changements peuvent faire une grande différence [6].

Des lignes directrices claires

Heureusement, les experts ont dépassé le simple débat sur les effets bénéfiques ou néfastes du temps passé devant les écrans pour mieux comprendre la complexité de la question. Les déclarations politiques fondées sur des preuves reconnaissent à la fois les avantages et les risques du temps passé devant les écrans. Garantir des habitudes saines en matière d'utilisation des écrans est une question de santé publique qui nécessite une action collective, impliquant les parents, les écoles et les communautés.

Aider les enfants à développer une saine utilisation des écrans est reconnu comme une responsabilité parentale (tout comme le fait de leur apprendre à bien s'alimenter, à faire de l'exercice et à traiter les autres avec gentillesse et respect).

La société canadienne de pédiatrie a pris l'initiative de fournir des lignes directrices claires distinguant les besoins des jeunes enfants, des enfants d'âge scolaire et des adolescents [7]. Une saine utilisation des écrans nécessite une implication active des parents, qui doivent donner le bon exemple, établir un plan familial pour utiliser la technologie, encourager une utilisation significative des écrans et discuter des éventuelles préoccupations. Une bibliothèque de ressources propose des documents destinés aux intervenant·es, aux parents et aux décideurs politiques [7].

Les communautés doivent investir dans des initiatives qui offrent aux enfants la possibilité de développer des compétences dans des activités non liées aux écrans, telles que l'activité physique, les jeux risqués, les activités créatives non structurées et l'interaction directe avec leurs pairs [2].

Les limites de l’interdiction...

Paradoxalement, interdire quelque chose ne le fait pas disparaître. Pour les adultes comme pour les enfants, une interdiction peut rendre quelque chose encore plus attrayant. La technologie, qui présente de nombreux avantages potentiels, est là pour rester ; il est donc impossible de l'éliminer de la vie des enfants.

Nous devons apprendre à vivre avec la technologie de manière saine, afin d'optimiser ses avantages et d'atténuer les risques pour notre santé physique et mentale. Cela nécessite d’avoir des attentes réalistes et des outils pour développer des habitudes saines en matière d'utilisation des écrans.

les programmes Triple P démontrent depuis des décennies qu'il est plus efficace d'encourager les comportements que nous aimerions voir chez nos enfants plutôt que de nous concentrer sur les aspects négatifs.

Des compétences alternatives

En ce qui concerne l’utilisation des écrans, nous souhaitons que les adultes et les enfants acquièrent une culture numérique. Cela signifie savoir utiliser les technologies en toute sécurité, sans se nuire à soi-même ou aux autres.

Cela implique également d’apprendre à porter un regard critique sur les contenus numériques. Les adultes et les enfants doivent fixer des limites à leur utilisation des technologies afin de pouvoir maintenir une alimentation saine, des interactions sociales saines, une activité physique, du temps passé dans la nature et la capacité à trouver des activités intéressantes.

Mettre tout cela en pratique : comment Triple P peut aider

L'idée de limiter le temps passé devant les écrans n'est pas nouvelle. Les données indiquent que de nombreux enfants canadiens ont un accès excessif aux écrans, sans bénéficier d'un soutien ni d'un accompagnement adéquats.

Cela s'explique peut-être par le fait que, même si les parents comprennent la nécessité de fixer des limites, ils ont du mal à les mettre en pratique. Ces difficultés peuvent venir de l'élaboration d'un plan familial, de la discussion avec les enfants, de la recherche d'activités non numériques pour les occuper ou de la réaction face aux protestations d'un enfant.

La gamme de programmes Triple P offre aux parents des outils pratiques pour établir des habitudes saines chez leurs tout-petits, leurs enfants d'âge préscolaire, leurs enfants d'âge scolaire et leurs adolescents. Plus précisément, les stratégies Triple P qui leur sont proposées sont concrètes pour mettre en œuvre des idées abstraites. Ils peuvent ainsi s'exercer à mettre en pratique des compétences pour établir des règles familiales, encourager leurs enfants à les adopter et élaborer un plan de suivi.

Triple P encourage donc les parents à offrir à leurs enfants un environnement d'apprentissage positif qui leur permet d'explorer, d'apprendre et de s'épanouir.

Un nouveau séminaire Triple P consacré exclusivement à une saine utilisation des écrans est désormais disponible. Développé par notre équipe de recherche en réponse à cette préoccupation croissante, le séminaire reflète l'engagement à soutenir les familles et les intervenant·es à l'aide de stratégies fondées sur des preuves scientifiques.

Des praticien·nes formé·es dispensent ce séminaire à des groupes de parents, animent la discussion et répondent à leurs questions. Les parents reçoivent une fiche pratique reprenant le contenu du séminaire. Accessible et flexible, ce séminaire peut être offert dans divers contextes éducatifs et communautaires ou en ligne, ce qui permet d'atteindre les familles et d'aider les organisations à encourager une saine utilisation des écrans.

Les parents qui ont besoin d'un soutien supplémentaire pour mettre ces idées en pratique peuvent bénéficier d'un autre programme Triple P qui a déjà aidé des parents dans le monde entier.

La petite enfance est une période clé pour inculquer une saine utilisation des écrans. En fournissant des outils aux parents, aux enseignant·es et aux praticien·nes, nous réduisons le risque de mauvaises habitudes et optimisons les expériences positives, saines, éducatives et ludiques avec la technologie.

Triple P offre aux personnes qui s'occupent d'enfants des stratégies concrètes et étayées par la recherche pour aider les enfants à interagir efficacement dans un monde numérique.

Références

  1. Les Enfants d’Abord Canada (2025). https://childrenfirstcanada.org/fr/campaign/raising-canada/
  2. Assemblée Nationale du Québec (2025). Rapport de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes. https://p.communications.assnat.qc.ca/csesj
  3. Madigan S., McArthur B.A., Anhorn C., Eirich R. & Christakis D.A. (2020) Associations Between Screen Use and Child Language Skills: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatrics, 174(7):665–75. doi:10.1001/jamapediatrics.2020.0327
  4. Madigan S., Eirich R., Pador P., McArthur B.A. & Neville R.D. (2022). Assessment of Changes in Child and Adolescent Screen Time During the COVID-19 Pandemic: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatrics,176(12):1188–1198. doi:10.1001/jamapediatrics.2022.4116
  5. Pyne, B., Asmara, O. & Morawska, A. (2025). The Impact of Modifiable Parenting Factors on the Screen Use of Children Five Years or Younger: A Systematic Review. Clinical Child and Family Psychology Review 28, 458–490 (2025). doi.org/10.1007/s10567-025-00523-9
  6. CHEO Institut de Recherche (19 juin, 2024). Cutting social media use back to one hour a day boosts mental health and sleep in youth. https://www.cheoresearch.ca/about-us/media/news/cutting-social-media-use-back-to-one-hour-a-day-boosts-mental-health-and-sleep-in-youth/
  7. Centre pour une saine utilisation des écrans. Société canadienne de pédiatrie (2025). Bibliothèque de ressources. https://saineutilisationdesecrans.cps.ca/les-familles-et-les-communautes/bibliotheque-de-ressources